L’exécution forcée des jugements de première instance en présence d’un appel pose des problèmes encore plus prégnants depuis le 1er janvier 2020 et la consécration du principe de l’exécution provisoire de plein droit de ces décisions (CPC, art. 514 mod. ; D. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, art. 3). Le mérite de l’arrêt du 4 juin 2020 est de régler une de ces difficultés.
En l’espèce, une saisie-attribution avait été pratiquée sur le fondement d’un jugement assorti de l’exécution provisoire. Or la cour d’appel avait confirmé ce jugement avant la mise à exécution de la décision de première instance. Sur contestation du débiteur, le JEX avait ordonné la mainlevée de la saisie-attribution. La cour d’appel a infirmé le jugement du JEX et considéré que la saisie était valable (CA Aix-en-Provence, 1re et 9e ch. réunies, 24 janv. 2019, n° 17/09540). Le pourvoi critiquait cette solution car la saisie était fondée sur une décision dépourvue de l’autorité de chose jugée puisqu’elle avait fait l’objet d’un appel ayant abouti à un arrêt rendu avant la saisie. La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que « l’arrêt qui confirme purement et simplement un jugement exécutoire ne prive pas celui-ci de son caractère exécutoire ».
La saisie peut donc être fondée sur le jugement de première instance même si entre temps un arrêt confirmant ledit jugement a été rendu par la cour d’appel. La solution est justifiée. Le jugement acquiert la chose jugée dès son prononcé (CPC, art. 480). L’appel remet certes la chose jugée en question devant la juridiction d’appel (CPC, art. 561). Mais l’exécution forcée d’un jugement n’est pas liée à l’autorité de chose jugée. Le jugement est en principe exécutoire à partir du moment où il passe en force de chose jugée (CPC, art. 501) et il acquiert force de chose jugée lorsqu’il n’est plus susceptible de recours suspensif d’exécution (CPC, art. 500). Toutefois, lorsque le jugement est exécutoire par provision, il est exécutoire immédiatement (CPC, art. 501 in fine).
Il peut donc être mis à exécution dès qu’il a été notifié (CPC, art. 503). L’arrêt de la cour d’appel qui confirme la décision de première instance constitue un nouveau titre exécutoire mais il ne remet pas en cause le jugement attaqué en tant que titre qui demeure exécutoire. La Cour de cassation rappelle donc opportunément la distinction entre l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire au moment où les exécutions provisoires de jugement de première instance vont probablement se multiplier.
Le jugement sera certes le plus souvent exécuté avant l’arrêt d’appel mais s’il l’est après, le créancier pourra disposer de deux titres exécutoires : le jugement et l’arrêt. Il pourra préférer notifier le jugement de première instance sur lequel figurera déjà la formule exécutoire. Il en va évidemment autrement lorsque le jugement n’est pas exécutoire par provision puisque dans ce cas la décision de première instance n’a pas force de chose jugée. C’est le seul arrêt d’appel qui constitue le titre exécutoire permettant la saisie. Mais cette dernière hypothèse est devenue l’exception.
La décision commentée méritait bien d’être signalée au Bulletin car elle énonce de façon inédite et anticipée une règle utile pour l’application de la réforme de l’exécution provisoire intervenue au 1er janvier 2020.
Source: Cass. 2e civ., 4 juin 2020, n° 19-12.727, F-P+B+I