Un enfant placé en vue de l’adoption ne peut pas être restitué à sa famille d’origine
Un enfant placé en vue de l’adoption ne peut pas être restitué à sa famille d’origine. C’est ce que vient de rappeler sans ambiguïté, le 5 décembre 2018, la 1re chambre civile de la Cour de cassation, qui avait à se prononcer sur l’application de deux textes apparemment contradictoires : l’article 352 du Code civil, contemporain de l’adoption plénière (1966), et l’article L. 224-8 du Code de l’action sociale et des familles (CASF) dans sa dernière version (L. n° 2013-673, 26 juill. 2013).
Selon l’article 352, alinéa 1, du Code civil « Le placement en vue de l’adoption [plénière] met obstacle à toute restitution de l’enfant à sa famille d’origine. Il fait échec à toute déclaration de filiation et à toute reconnaissance ». Il faut savoir à cet égard que, à l’exception des enfants dont les parents ont été jugés les avoir délaissés ou se sont vu retirer l’autorité parentale – qui deviennent pupilles de l’État, donc adoptables, sans délai -, seul peut être ainsi placé un enfant admis en qualité de pupille après l’avoir été, pendant une durée variable suivant les cas, à titre provisoire. L’article L. 224-8 du CASF lui, permet à diverses personnes de contester a posteriori l’arrêté par lequel le président du Conseil départemental a prononcé son admission : ses parents, sauf les exceptions ci-dessus ; les membres de sa famille ; son père de naissance ou les membres de la famille de son père ou de sa mère de naissance lorsqu’il a été admis en application de l’article L. 224-4, 1° (comprendre : les membres de sa famille biologique avec lesquels il n’a pas de lien juridiquement établi, généralement pour être né « sous le secret » – on ne dit plus « sous X ») ; enfin toute personne ayant assuré sa garde.
Si un titulaire de l’action a manifesté un intérêt pour l’enfant auprès du service départemental de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) alors que celui-ci était pupille à titre provisoire, l’arrêté doit lui être notifié ; il a alors 30 jours à partir de la réception de la notification pour le contester en proposant de prendre l’enfant en charge, ce qui risque de reporter le placement sine die. Mais ce qui pose surtout problème, c’est que ceux qui, pour une raison quelconque (parfois, comme ici, parce qu’ils ignorent jusqu’à l’existence de l’enfant), ne se sont pas manifestés, conservent leur droit d’agir sans qu’aucun délai de forclusion n’ait été prévu. Le législateur, averti du risque que cette action soit engagée après le placement adoptif, n’en a pas tenu compte (V. notre article, Pupilles de l’État : on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas : AJ fam. 2016, p. 379) : la présente affaire montre que ce risque était réel.
La plupart du temps, c’est un père qui, tenu par la mère dans l’ignorance du sort de l’enfant qu’elle a mis au monde, tente de le reprendre une fois qu’il a retrouvé sa trace. Ici, c’est une grand-mère qui, ayant appris que son fils avait eu trois mois plus tôt une fille, née sous le secret, qu’il n’avait pas reconnue, réclamait de la prendre en charge. Sa demande a été rejetée (CA Poitiers, 4e ch. civ., 17 oct. 2017 : AJ fam. 2018, p. 354 et nos obs.), mais au motif que l’arrêté était devenu définitif 30 jours après avoir été pris, ce que prévoyait … l’ancien article L. 224-8 (annulé par Cons. const., 27 juill. 2012, n° 2012-268, QPC). Il restait donc aux hauts magistrats à traduire dans les faits ce qui avait été l’intention avouée du législateur : « Garantir un équilibre et une proportionnalité entre les droits des proches de l’enfant à pouvoir exercer un recours effectif et l’intérêt de l’enfant à voir son statut clarifié dans les meilleurs délais, favorisant ainsi ses chances de pouvoir être adopté par une nouvelle famille » (AN, projet de loi n° 1219, Étude d’impact, 2 juill. 2013).
Ce retour aux sources devrait s’appliquer, mutatis mutandis, à l’autre moyen de détourner les interdictions posées par l’article 352 qu’est l’intervention dans la procédure d’adoption engagée par le ou les adoptants. Il signifie en effet, implicitement, que l’intérêt de l’enfant à rejoindre sa famille d’origine, au nom des liens du sang, plutôt que d’entrer dans celle choisie pour lui en raison de la défaillance initiale de la première, n’a plus, à ce stade du processus adoptif, à être débattu.
Auteur : Pascale SALVAGE-GEREST
Source
Cass. 1re civ., 5 déc. 2018, n° 17-30.914, F-P+B : JurisData n° 2018-022045
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