Retard d’un vol : la carte d’embarquement ne sera plus nécessaire pour être indemnisé
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que les passagers aériens arrivés à destination avec plus de 3 heures de retard doivent être indemnisés sans avoir à prouver leur présence à l’enregistrement, remettant ainsi en cause la jurisprudence française de la Cour de cassation.
Le tribunal d’instance d’Aulnay-sous-Bois demandait en substance à la CJUE si des passagers d’un vol retardé de 3 heures ou plus à son arrivée et possédant une réservation confirmée pour ce vol peuvent se voir refuser l’indemnisation en vertu du règlement sur les droits des passagers aériens (PE et Cons. UE, règl. (CE) n° 261/2004, 11 févr. 2004) au seul motif, qu’à l’occasion de leur demande d’indemnisation, ils n’ont pas prouvé leur présence à l’enregistrement, notamment au moyen de la carte d’embarquement.
La Cour rappelle que le règlement ne s’applique qu’à 2 conditions :
– les passagers doivent disposer d’une réservation confirmée pour le vol concerné ;
– les passagers doivent se présenter à l’enregistrement à l’heure indiquée à l’avance par le transporteur ou en l’absence d’indication d’heure, au plus tard 45 minutes avant l’heure de départ publiée.
La Cour juge que, dans la mesure où un transporteur aérien donné embarque les passagers possédant une réservation confirmée sur le vol en cause et les transporte à leur destination, il doit être considéré que ceux-ci se sont conformés à l’exigence de se présenter à l’enregistrement antérieurement à ce vol. Dans ces conditions, il ne s’avère pas nécessaire de prouver une telle présence à l’occasion de l’introduction de leur demande d’indemnisation. Il n’en va autrement que si le transporteur aérien dispose des éléments susceptibles de prouver que, contrairement à ce qu’ils prétendent, ces passagers n’ont pas été transportés sur le vol retardé en cause, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.
Cette ordonnance de la CJUE remet en cause la jurisprudence de la Cour de cassation qui exigeait que le passager présente la carte d’embarquement afin d’être indemnisé (Cass. 1re civ., 14 févr. 2018, n° 16-23.205, F-P+B ; Cass. 1re civ., 12 sept. 2018, n° 17-25.926, inédit). La Cour inverse la charge de la preuve : désormais, c’est le transporteur qui devra prouver que le passager ne s’est pas présenté à l’enregistrement.
Il en résulte que des passagers qui possèdent une réservation confirmée sur un vol et ont réalisé ce dernier doivent être considérés comme s’étant correctement acquittés de l’exigence de se présenter à l’enregistrement. Ainsi, dès lors qu’ils atteignent leur destination avec un retard égal ou supérieur à 3 heures, ces passagers bénéficient du droit à indemnisation au titre de ce retard, sans devoir fournir, à cette fin, la carte d’embarquement ou un autre document attestant leur présence, dans les délais prescrits, à l’enregistrement du vol retardé.
La jurisprudence de la Cour de cassation était critiquée et considérée comme « injuste ». Elle imposait en effet « aux passagers-consommateurs victimes d’un retard de produire en justice le reçu de dépôt de bagages afin de pouvoir être indemnisé, reçu qui est rarement conservé une fois franchis les contrôles de l’aéroport d’arrivée. En outre, lorsqu’un passager vole sans bagage en soute, il lui est en général impossible de prouver son embarquement effectif, autrement que par son titre de transport, lequel est de plus dématérialisé. Cela revient à lui imposer de produire une preuve impossible, alors que dans le même temps, la compagnie aérienne dispose du listing informatique des passagers embarqués » (P. Dupont et G. Poissonnier in JCP E 2018, comm. 1281). Elle devrait conduire à modifier les exigences qu’imposent actuellement les compagnies aériennes aux passagers en cas de retard. En effet, dans cet important contentieux, la plupart des transporteurs aériens effectifs allèguent l’absence de présentation de la carte d’embarquement pour refuser le paiement de l’indemnisation, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour de cassation.
Source
CJUE, ord., 24 oct. 2019, aff. C‑756/18, LC et MD c/ Easyjet
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