Le Conseil d’État admet l’indemnisation de la perte future de revenus de la jeune victime
Avec cette solution, le juge de cassation accepte d’indemniser une perte future dont le caractère certain repose sur une sorte de probabilité et non sur une réalité démontrée. Quand la victime n’est pas en âge d’exercer une activité professionnelle et l’accident en rend définitivement impossible l’exercice, la jurisprudence communément admise écarte l’indemnisation d’une perte de revenu, par définition hypothétique dans cette situation. Il est ainsi refusé une indemnisation de la période d’incapacité totale et partielle subie par une victime qui ne percevait aucune rémunération au jour de l’accident (CE, 28 avr. 1978, n° 04225, M. B. : Lebon T. 1978, p. 941).
Cette jurisprudence est maintenant abandonnée. Même s’il n’est pas possible de déterminer le parcours professionnel qu’aurait suivi la victime, en raison de jeune âge, la perte de revenus consécutive à l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle présente un caractère certain. La perte de revenus inclut les rémunérations qui ne seront jamais perçues, comme la pension de retraite consécutive. La victime a droit ainsi, à compter de sa majorité, et sa vie durant, à une rente déterminée sur la base du salaire médian net mensuel constaté à la même date et revalorisé comme en matière de rente de la sécurité sociale en fonction de l’évolution des indices des prix. Selon la règle habituelle destinée à éviter les indemnisations multiples d’un même préjudice, si elle perçoit l’allocation aux adultes handicapés, le montant de cette prestation est alors déduit de la rente (CE, 6 mai 1988, n° 64295, Administration générale de l’Assistance publique à Paris : JurisData n° 1988-644655 : Lebon 1988, p. 186).
Selon le même raisonnement, la victime peut également prétendre à la réparation du préjudice consécutif à l’impossibilité de bénéficier de l’apport d’une scolarité et ce, bien que son parcours scolaire ne puisse être déterminé. Ce préjudice comporte une part patrimoniale et une part personnelle. La première, liée à l’absence de revenus consécutive à la privation de la scolarisation, est réparée par la rente attribuée en réparation de la perte de revenus résultant de l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle. La seconde peut donner lieu, suggère le Conseil d’État, à une indemnité globale couvrant d’autres préjudices personnels relevant des troubles dans les conditions d’existence.
Source
CE, 24 juill. 2019, n° 408624
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