Acte d’huissier : la copie en version originale
L’arrêt du 6 décembre 2018 ne passera certainement pas inaperçu. La solution adoptée dépasse sans nul doute le cadre initialement fixé : elle irradiera l’ensemble des significations, et non seulement les significations à personne morale, au centre de l’affaire.
C’est une maladresse malheureuse qui est à l’origine du contentieux. Alors que la copie de l’acte introductif mentionnait une signification à personne présente à domicile (sur ce point, V. N. Fricero, Notification des actes de procédure : JCl. Procédure civile, fasc. 141, n° 51), l’original du même acte indiquait une remise à personne morale. D’un côté, l’original de l’acte visait la remise à une personne habilitée laquelle vaut signification à personne morale conformément à l’article 654, alinéa 2, du Code de procédure civile ; de l’autre côté, la copie remise au destinataire indiquait une signification faite à personne présente au domicile. L’erreur pourrait, prima facie, paraître dérisoire, sauf s’agissant des formalité relatives à la signification (CPC, art. 655). L’enjeu est pourtant réel car, du mode de signification de l’acte introductif d’instance découle la qualification de la décision et donc, les voies de recours possiblement ouvertes. Par exemple, pour le cas d’une décision en dernier ressort, l’article 473 du Code de procédure civile prévient, en l’absence de comparution du défendeur, que la signification à personne ouvrira la seule voie du pourvoi en cassation, tandis qu’à défaut, l’opposition sera possible. Le mode de signification est alors lourd de conséquence, de même que les éventuelles errances dans la qualification de la décision (L. Lauvergnat, Quand l’erreur n’est pas forcément irrémédiable… : JCP G 2011, act. 405, Aperçu rapide).
L’arrêt commenté apporte, finalement, une réponse à une question simple : quid en cas de contradiction entre l’original et la copie de l’acte d’huissier ? La jurisprudence a déjà pu admettre que, l’original faisant foi des mentions qu’il porte, la copie de l’acte n’a pas à reproduire les mentions relatives à la remise (Cass. 2e civ., 30 juin 1993, n° 91-19.189 : JurisData n° 1993-001307 ; Bull. civ. II, n° 237). La Haute juridiction a précisé encore que « la mention des diligences et formalités accomplies par l’huissier de justice n’a pas à être reproduite sur la copie de l’acte de signification » (V. not. Cass. 2e civ., 15 juin 1994, n° 92-14.904 : JurisData n° 1994-003004 ; Bull. civ. II, n° 159). Jonglant avec la sémantique, la deuxième chambre civile énonce que « la copie signifiée d’un acte d’huissier de justice tient lieu d’original pour la partie à laquelle elle a été remise ou adressée ». De deux choses l’une, soit la Cour exige une conformité exacte entre la copie de l’acte signifié et l’original ; soit elle tranche une situation particulière, celle d’une divergence entre copie et original, dont la fin s’avère délicate à déterminer. Dans cette dernière hypothèse, balle au centre, l’original, aux yeux de la Cour, est teinté de relativité. À la lecture de l’arrêt rapporté, l’original de l’acte prend du plomb dans l’aile, mais après tout, ne serait-ce pas la rançon du statut d’officier public et ministériel ? Les professionnels devront rapidement prendre note de la position de la Cour, afin que la copie en version originale ne devienne pas un de ces feuilletons dont l’épilogue traîne inlassablement.
Source
Cass. 2e civ., 6 déc. 2018, n° 17-26.852, F-P+B : JurisData n° 2018-022286
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