Courtier d’assurance : conditions requises pour prétendre au versement de ses commissions
La Cour de cassation a récemment rendu un arrêt important, en matière de rémunération de l’activité d’intermédiation du courtier, selon lequel « les articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1er, du Code des assurances , dans leur rédaction issue du décret n° 2006-1091 du 30 août 2006 , dont le second renvoie au premier la désignation des intermédiaires autorisés à recevoir une rémunération au titre de l’activité d’intermédiation en assurance, ont été pris en application du IV) de l’article L. 511-1 du même code qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’assurance, a confié à un décret en Conseil d’État la détermination des catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer une telle activité. Le I) de l’article L. 511-1 assure la transposition, en droit interne, notamment, des points 5 et 6, de l’article 2 de la directive n° 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 décembre 2002 sur l’intermédiation en assurance, qui définissent l’intermédiaire d’assurance et l’intermédiaire de réassurance ; que ces définitions sont énoncées aux fins d’application du dispositif d’immatriculation obligatoire des intermédiaires institué par l’article 3, point 1, de la directive, immatriculation que le point 3 du même article subordonne au respect des exigences professionnelles posées par l’article 4, paragraphe 1 ; que ces exigences recouvrent l’obligation, pour l’intermédiaire, de posséder les connaissances et aptitudes appropriées, de répondre à certaines conditions d’honorabilité, d’être couvert par une assurance de responsabilité professionnelle et d’offrir des garanties de représentation des fonds qu’il reçoit des assurés ou pour le compte de ceux-ci.
Selon la jurisprudence de la CJUE, la directive, prise dans son ensemble, poursuit, ainsi qu’énoncé aux considérants 6 à 8 de celle-ci, un double objectif, soit, en premier lieu, l’achèvement et le bon fonctionnement du marché unique de l’assurance, par l’élimination des entraves à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, en second lieu, l’amélioration de la protection des consommateurs dans ce domaine (CJUE, 17 oct. 2013, C-555/11, pt 27) ; qu’une interprétation de ses dispositions qui permettrait à une certaine catégorie de personnes d’offrir des services d’intermédiation en assurance sans remplir les exigences professionnelles prévues à l’article 4, paragraphe 1, porterait atteinte à cette double finalité, d’une part, en créant des différences notables entre les intermédiaires agissant sur le marché unique de l’assurance, contrevenant ainsi à l’objectif, fixé au considérant 9 de la directive, de respect de l’égalité de traitement entre toutes les catégories d’intermédiaires, d’autre part, en ne permettant pas d’assurer un niveau élevé de protection des consommateurs sur ce marché, preneurs d’assurance, qui garantisse que les intermédiaires possèdent les connaissances et les aptitudes appropriées, nécessaires pour effectuer, à titre individuel, l’intermédiation d’assurance, et qu’ils puissent ainsi garantir la qualité d’une telle intermédiation (même arrêt, points 28 à 30).
Il en résulte que l’immatriculation est l’instrument d’une vérification des exigences professionnelles que la directive requiert de tout intermédiaire d’assurance, pour garantir un service d’intermédiation de qualité, dans des conditions financières sécurisées, tout en assurant l’égalité de traitement entre les différents opérateurs aptes à accéder à cette activité et à l’exercer ; qu’il s’ensuit que les dispositions combinées des articles R. 511-2, I, et R. 511-3, II, alinéa 1er, du Code des assurances, qui ont pour seul objet de déterminer les catégories de personnes habilitées, en droit interne, à exercer l’intermédiation en assurance, ne sauraient, sans contrevenir aux objectifs de la directive qu’ils transposent, avoir pour effet de permettre à un courtier d’assurance de percevoir une rémunération après sa radiation du registre unique des intermédiaires, au seul motif qu’il demeure inscrit au registre du commerce et des sociétés pour l’activité de courtage, cette formalité, outre qu’elle ne vise qu’à conférer le droit d’exercer le commerce, ne pouvant bénéficier aux autres catégories d’intermédiaires d’assurance, qui n’y sont pas assujetties ».
La Haute cour confirme ainsi l’arrêt des juges du fond (CA Paris, 8 mars 2016) rendu dans une affaire où une société, immatriculée au registre unique des intermédiaires d’assurance et inscrite dans la catégorie « courtier d’assurance » (le courtier), a distribué, jusqu’à sa mise en liquidation judiciaire par jugement du 6 novembre 2008, des contrats d’assurance proposés par une entreprise d’assurance. Le 6 mars 2009, elle a été radiée de ce registre pour cessation d’activité par l’Organisme pour le registre des intermédiaires d’assurances (l’ORIAS). L’entreprise d’assurance a alors suspendu l’activité des deux comptes apporteurs du courtier et interrompu le paiement des commissions dues sur les contrats d’assurance en cours. Le liquidateur judiciaire de ce dernier l’a assignée en paiement des commissions devenues exigibles à compter de la date de la radiation. Sa demande est rejetée par les juges du fond : la rémunération de l’activité d’intermédiation du courtier d’assurance était cumulativement subordonnée à son inscription au registre du commerce et des sociétés et à son immatriculation au registre tenu par l’ORIAS, y compris lorsque, comme en l’espèce, la commission est générée par des contrats, toujours en cours, souscrits, par son intermédiaire, avant sa radiation de ce dernier registre, même si ces commissions ne rémunèrent que l’apport des contrats.
Source
Cass. 1re civ., 24 oct. 2018, n° 16-16.743, FS-P+B+I
© LexisNexis SA